Politique
Ivan Rioufol : « Je crois en l’idée d’une renaissance »
Alors que les émeutes de juin ont révélé une nouvelle face de la France multi-ethnique, le journaliste Ivan Rioufol donne sa vision des grands bouleversements civilisationnels de notre siècle.
« De Clovis jusqu’au Comité de Salut public, je me sens solidaire de tout » a déclaré Napoléon. Comme lui, Ivan Rioufol, devons-nous nous sentir solidaires de tout ?
Ivan Rioufol : Nous sommes les héritiers d’une histoire française écrite par de grands et de petits hommes. Ce legs s’impose à nous. De ce point de vue, je prends tout. Mais je ne me sens solidaire ni de la terreur ni de la loi des suspects. Je déteste depuis toujours l’esprit totalitaire des idéologues et de leurs descendants, qu’ils se réclament du jacobinisme, du socialisme, du communisme, ou aujourd’hui du mondialisme, de l’antiracisme, du wokisme. Ces dérives liberticides, auxquelles il faut ajouter le nouvel hygiénisme d’Etat et sa société de surveillance activés avec le Covid, me révulsent. Or elles s’aggravent, dans l’indifférence des prétendus lanceurs d’alerte et de beaucoup d’intellectuels de salons.
J’accuse les dirigeants de ces cinquante dernières années « élites » si peu inspirées pour la plupart d’avoir pensé faux. Je les accuse d’avoir, en deux générations, saccagé la nation millénaire et maltraité son peuple. Je les accuse de haute trahison, pour avoir cautionné une société ouverte à ses ennemis. Les émeutes raciales de juillet 2023 ont dévoilé la puissance de l’ennemi intérieur ces Français qui détestent la France et de la cinquième co- lonne islamique appuyée ouvertement par l’Algérie, la Turquie, l’lran. Mais Emmanuel Macron n’a toujours pas pris la mesure du déclin français qu’il attise, tel un pompier pyromane.
La société que nous avons actuellement n’est-elle pas la conséquence d’un universalisme républicain ? Comment la République a-t-elle été dévoyée pour en arriver à avoir engendré la société d’aujourd’hui ?
Ce n’est pas, me semble-t-il, la République qui est en cause. Ce qui est cause, c’est plutôt sa confiscation aux mains d’une oligarchie, d’une caste au service d’intérêts financiers, de convictions dogmatiques. Je méprise cette république des pétochards construite sur la peur du populisme, du réchauffement, des virus, etc. Elle craint avant tout l’expression du peuple raisonnable, c’est-à-dire l’expression de la démocratie. Les accusations en « complotisme » ou en « extrême-droite », lancées par le discours médiatique dominant, sont des procédés staliniens destinés à clouer le bec et à rendre « nauséabonde » la belle idée de souveraineté d’un peuple uni par une culture commune.
Je me range derrière Chesterton quand il fustige « le monde moderne plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles » : l’universalisme chrétien a été à la source d’une modernité qui est devenue son tombeau.
L’antiracisme est l’avatar pernicieux des vertus d’accueil et de protection de l’étranger. C’est au nom de l’antiracisme que la nation, se pensant exemplaire, est aujourd’hui fracturée et menacée d’être remplacée par un autre peuple, une autre civilisation. En ce sens, l’universalisme républicain s’est détaché de la France. La République est devenue un château de cartes, pour avoir oublié qu’elle puisait d’abord dans une identité spécifiquement française.
Vous qui êtes né à Nantes, comment ne pas « voir ce que l’on voit » pour paraphraser Péguy, concernant le grand remplacement de votre ville d’origine ? Nantes est-elle à l’image de la France ?
Le naufrage de ma ville natale dit le naufrage de la France libanisée. Pour y avoir été « localier » de 1976 à 1984, au quotidien Presse Océan, j’ai eu notamment à relater les faits divers de l’époque : ils se résumaient aux chiens écrasés, aux chutes de vélo, aux bagarres d’arsouilles du quai de la Fosse ou de la place du Commerce. Trente ans auront suffi pour faire de Nantes, belle endormie, une ville semblable à Chicago.
Mon dernier reportage avait été en 1984 pour alerter sur la première petite mosquée, ouverte en 1983 dans le quartier Malakoff en lieu et place d’une ancienne chapelle cédée par l’évêché. J’y avais mis au jour un lien entretenu par la mosquée avec l’Iran. Je crois que la ville compte aujourd’hui cinq mosquées imposantes, sans compter les lieux de prière. Le trafic de drogue alimente une économie parallèle qui s’appuie sur une contre-société largement islamisée, qui trouve dans l’extrême gauche locale un soutien abject. Mais je tiens l’ex-premier ministre (PS) Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes de 1989 à 2012, pour premier responsable du saccage de la ville, qu’il aura culpa- bilisée pour son passé négrier au point d’encourager, en rémission de ses fautes, un peuplement « inclusif » applaudi par les nouveaux bobos et les cultureux. Le 11 juillet 2023, Le Figaro titrait sur « ces nantais qui déménagent à cause de l’insécurité ».
Quelle culture commune pourrions-nous partager en France ? La population est largement déchristianisée et la République ne suffit pas à créer une identité…
Il y a de quoi être inquiet, en effet. Nous vivons un grand effondrement. Mais il est encore possible d’arrêter les dégâts, de sauver quelques meubles. Il faut d’abord cesser, de toute urgence, de se sou- mettre à la tyrannie des minorités plaintives, sexuelles, ethniques, re- ligieuses. Il n’y a aucune raison de voir s’effacer la majorité silencieuse au prétexte qu’elle est trop dispersée. Les sondages font apparaître un socle majoritaire de Français qui se disent préoccupés par leur devenir et qui mesurent, plus ou moins intuitivement, la fragilité de leur condition.
C’est sur eux qu’il faut compter, sur cette France oubliée qui n’en- tend pas disparaître. Je ne crois pas en l’homme providentiel, mais je crois au peuple providentiel, pourvu qu’il reprenne la parole notamment pas la voie du référendum. Si les « élites » ont globalement capitulé devant la communautarisation et la fracturation de la société, le peuple ordinaire reste un pôle de résistance. Le conservatisme pourrait être cette culture commune. Le rejet du wokisme et du remplacisme peut être un efficace élément fédérateur.
Revenons sur les émeutes de juin dernier, ont-elles eu pour base une fracture ethnique ?
A l’évidence, même si les dénégationnistes professionnels ne veulent y voir qu’une crise sociale. Oui, ces émeutes ont été raciales. Il s’est agi de guérillas menées majoritairement par des jeunes barbares (moyenne d’âge : 16 ans) issus pour la plupart de la contre-société islamisée, bras armés de stratèges qui ont réussi à montrer, aux yeux du monde, la fragilité de la République en déliquescence et de la nation fracturée. Environ 500 villes ont été touchées par des violences inouïes qui ont entrainé la participation mimétique de quelques « Kevin et Mateo », ces seuls prénoms cités par Gérald Darmanin.
Emmanuel Macron s’est félicité, le 24 juillet, d’avoir rétabli l’ordre en quatre jours. En réalité, les policiers ont admis que seuls les cartels de la drogue ont eu la maîtrise des émeutes. Ce sont eux qui gèrent les cités « sensibles ». Ils ont sifflé la fin de la récréation afin de reprendre leur commerce lucratif. Ils ont interdit aux têtes brûlées de sortir les armes de guerre qui emplissent les caves de certaines cités. Ce sont eux qui, à la prochaine occasion, décideront de l’intensité des intifadas, ces répétitions d’une possible guerre civile. Quand le chef de l’Etat accuse la démission des familles et les réseaux sociaux, il confirme qu’il ne voit rien des causes de la fracture identitaire à la source de ce choc
entre deux cultures, orientale et occidentale. L’immigration de peuplement est au centre de ces soulèvements, même si la majorité des interpellés sont des Français pour l’état civil. Ces émeutes confirment l’échec de l’intégration et le rejet de la France pour une jeunesse musulmane qui majoritairement se réclame dans les sondages de la loi islamique et donc de son djihad.
Que devrait mettre en place le pouvoir politique pour se préparer à combattre les potentielles émeutes ou violences à l’avenir ?
Le problème est que le pouvoir politique n’a plus vraiment le pouvoir politique. Il paie là une démission étalée sur plusieurs décennies. La macronie paie aussi, plus spécifiquement, sa soumission aux minorités militantes au nom de l’apaisement, de l’humanisme, du respect de l‘autre, du dévoiement des droits de l’homme. Le pouvoir politique s’est désarmé mentalement. A l’entendre, son ennemi est moins la contre-société qui lui fait la guerre que les « populistes » qui répètent, pour le constater, que le roi est nu.
La solution ne peut venir des dirigeants qui ont mis la France dans cet état. La solution ne peut être que radicale face à ceux qui ne comprennent que le rapport de force et qui méprisent la France bonasse. Il ne suffit pas de répéter comme le fait Macron, « l’ordre, l’ordre, l’ordre » pour impressionner ceux qui veulent en découdre avec la nation. D’autant que les policiers ne sont plus d’accord pour jouer aux forces de l’ordre en se faisant insulter par le pouvoir qu’ils protègent. Il est grand temps de dire: « Ca suffit ! », et d’exclure du champ de la solidarité nationale les familles des émeutiers qui brûlent les symboles de la France.
Il ne devrait plus être question de subventionner ces néo-colonisateurs, ces occupants qui nous vomissent. Il est également temps de virer, politiquement j’entends, les saboteurs et les traîtres qui au nom du « progressisme » ont défiguré la « douce France ». Reste à savoir si la droite saurait être à la hauteur de la renaissance qui reste envisageable.
La stratégie du chaos, peut-elle être synonyme de renouveau pour notre identité nationale ?
S’il faut toucher le fond pour rebondir, allons-y, coulons davantage ! Le somnambulisme de la classe dirigeante, qui a déteint sur une partie de la société gagnée par l’individualisme, a sans doute besoin d’un électrochoc. Mais le mieux serait de faire l’économie de ce cauchemar. Nous vivons en direct, pour ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, l’échec éclatant des idéologies progressistes hors sol. Ces utopies ont prétendu transformer « la France moisie » en un Babel melliflu. Mais les faits sont têtus. La Frange éclatée est menacée de désintéfration.
Les Français sont mécontents de leur sort collectif. Les mensonges et les désinformations médiatiques n’arrivent plus à masquer le grand écroulement politique et sociétal.
Rien n’arrêtera plus la révolution du réel, hormis la conversion des élites au réalisme et au bon sens des gens ordinaires. Il suffirait de leur donner enfin la parole, de les faire participer à leur destin.
Selon-vous, devons-nous encore défendre un projet d’assimilation ou ce logiciel est-il dépassé ?
Il faut garder l’assimilation, cette spécificité de l’identité française, comme idéal à atteindre. Mais le réalisme oblige à le dire : personne ne peut forcer un étranger extra-européen à se fondre dans une communauté qui l’accueille par le fait accompli, souvent contre son gré. Pour vouloir s’identifier à la France, celle-ci doit désirable et exemplaire, ce qu’elle nest plus. Viser à l’intégration, qui tolère un communautarisme tempéré, serait déjà un moindre mal. Il faut, en tout cas, cesser avec ce concept destructeur de l’inclusion qui est depuis plus de dix ans celui du discours officiel, c’est-à-dire du politiquement correct. L’inclusion, construite sur une non-discrimination impensée, ne distingue plus entre le citoyen et l’étranger. Celui-ci est invité à s’installer à sa guise sans faire aucun effort sinon de se comporter en consomma-teur. L’inclusion est l’étendard des fossoyeurs de la nation.
La France a enregistré l’an dernier le taux de natalité le plus bas depuis 75 ans. Est-ce que l’immigration est la seule façon pour que notre société économique continue de tourner ? Comment relancer la natalité française de souche ?
La politique nataliste doit être à l’évidence repensée, pour les Français de souche et les Français de branche qui, tous, partagent le même idéal national. Je conteste l’argument économique avancé par la gauche et le patronat, qui ne sert qu’à créer un nouveau prolétariat docile acceptant des salaires de misère.
Pourquoi nos grands médias ne sont pas à la hauteur de l’actualité ? Ils ne semblent jamais vouloir mettre les mots sur ce qui se passe… Je pense aux émeutes de juin ou à ce qui s’est passé au stade de France.
Ces médias sont victimes de l’idéologie qui aveugle et nie les faits dérangeants. C’est particulièrement choquant pour le service public, dans lequel la gauche et l’extrême gauche se comportent en propriétaires exclusifs. Mais les yeux souvrent, sous la pression des évidences, mais aussi des réseaux sociaux et des médias alternatifs. Le succès que rencontre CNews est dû à son refus de se plier à la pensée obligée et aux exclusions intellectuelles. A mesure que cette chaîne se libère du conformisme médiatique et de la pensée unique. elle est accusée par les censeurs d’être « d’extrême droite », ce qu dit le sectarisme et la bêtise du camp du Bien. Ce dernier enrage de ne plus maîtriser le discours autorisé. En 1993, Soljenitsyne avai prévenu : « Aujourd’hui les dissidents sont à l’Est, ils vont passer à l’Ouest ». Nous y sommes.
Vous êtes régulièrement chroniqueur chez CNews, quel est le réel pouvoir des médias dits « de droite » face à la puissance des médias du service public ?
Difficile à dire. Mais il suffit d’observer l’hystérie des médias de gauche, qui voient des fascistes chez leurs contradicteurs, pour se rendre compte de la perte de leur magistère, qui ne tient plus que par l’intimidation. Les médias « de droite » ont pour eux de s’en tenir aux faits et d’éviter les sermons.
Une question un peu plus personnelle pour terminer. La désintégration progressive de notre nation, que vous avez vous-même connue, fait souvent du camp national un repère de nostalgiques ou de mélancoliques. Contre cet état d’esprit mortifère, quelles sont vos raisons d’espérer ?
Je suis en colère contre ceux qui nous ont maltraités et trahis, je suis consterné par l’étendue des dégâts, mais je ne suis pas désespéré. Je crois en l’idée d’une renaissance. Je suis frappé par la lucidité et la maturité de la jeune génération, héritière d’une histoire saccagée par les « baby-boomers », ces enfants gâtés de 68 dont j’ai fait partie. J’ai toute confiance en ces jeunes Français, que j’admire.
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