International
Erdogan exploite le chaos syrien pour intensifier sa répression contre les Kurdes
Recep Tayyip Erdogan profite de l’instabilité en Syrie pour renforcer son contrôle en Turquie et affaiblir les Kurdes sur plusieurs fronts.
Ces dernières semaines, Recep Tayyip Erdogan a intensifié ses actions contre les Kurdes, à la fois sur le territoire turc et dans le nord de la Syrie. Profitant des offensives rebelles en Syrie, le président turc semble consolider sa stratégie nationale et internationale en ciblant les forces kurdes.
Une offensive politique et militaire contre les Kurdes
En Turquie, le président Erdogan s’attaque aux mairies dirigées par des élus pro-kurdes. À Batman, ville majoritairement kurde où son parti n’a recueilli que 12 % des voix lors des élections municipales de 2024, le préfet, fidèle au pouvoir, a remplacé la maire élue, Gülistan Sönük, par une administration désignée. Les pancartes en langue kurde ont été retirées, et des structures dédiées à la culture kurde ont été fermées. Ce scénario s’est répété dans sept autres municipalités kurdes, justifié par des accusations d’« appartenance à une organisation terroriste » visant ces élus.
Cette répression politique s’accompagne de mesures autoritaires. Les protestations locales ont conduit à plus de 300 arrestations, dont 37 manifestants placés en détention provisoire. Pour Erdogan, affaiblir les élus kurdes s’inscrit dans une stratégie visant à neutraliser le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, qualifié de groupe terroriste par Ankara.
Exploiter l’instabilité en Syrie
Au-delà des frontières turques, Erdogan profite des récentes offensives de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) en Syrie pour frapper les milices kurdes. Les rebelles syriens, avec l’aval implicite d’Ankara, ont intensifié leurs attaques contre l’armée de Bachar al-Assad, prenant le contrôle d’Alep et d’autres zones stratégiques. Cette avancée a permis à la Turquie d’activer ses propres supplétifs, l’Armée nationale syrienne, pour attaquer les bastions kurdes tels que Tall Rifaat et Manbij.
L’objectif principal d’Erdogan est de créer une zone de sécurité de 30 kilomètres le long de la frontière turco-syrienne. Cette « zone tampon » vise à séparer le PKK de sa branche syrienne, les YPG, tout en préparant le rapatriement forcé de réfugiés syriens, un enjeu majeur pour le président turc, confronté à une montée de la xénophobie dans son pays.
Une stratégie géopolitique calculée
Sur la scène internationale, Erdogan tire profit des faiblesses de ses adversaires. La Russie, alliée d’Assad, est affaiblie par la guerre en Ukraine, tandis que l’Iran et le Hezbollah, également soutiens du régime syrien, se concentrent sur leur conflit avec Israël. Ces circonstances offrent à la Turquie une opportunité unique pour renforcer son influence en Syrie.
Erdogan utilise cette dynamique pour avancer des négociations avec le PKK, espérant obtenir un désarmement total en échange de concessions politiques. En parallèle, il exploite l’instabilité syrienne pour contraindre Assad à dialoguer et envisager un partage du pouvoir avec l’opposition.
Une politique aux multiples visages
Alors qu’Ankara justifie ses actions en Syrie comme des mesures de sécurité nationale, les critiques dénoncent une instrumentalisation cynique du conflit syrien pour servir des objectifs électoraux et géopolitiques. Erdogan cherche à apaiser une opinion publique turque de plus en plus hostile aux réfugiés tout en consolidant son pouvoir face à une opposition kurde affaiblie.
En jouant sur plusieurs fronts – répression interne, intervention militaire en Syrie et calculs diplomatiques –, Erdogan démontre une fois de plus sa capacité à exploiter les crises pour renforcer son régime, quitte à raviver les tensions au Moyen-Orient.
À lire aussi : Syrie : quand Libération fait l’éloge du retour des rebelles islamistes à Alep
1 commentaire
vert10
Erdogan est proche des frères musulmans, il faut interdire milis gorus en Europe et les frères musulmans.
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