Immigration
Claire Geronimi : « Ma démarche a contribué à libérer la parole sur ce type de sujet ! »
Claire Geronimi a accordé un entretien à Frontières. Dans une lettre publiée sur ses réseaux sociaux le 11 novembre, elle revient sur le drame dont elle a été victime, exactement un an auparavant. La fondatrice de l’association Éclats de femme évoque pour nous son parcours de reconstruction et sa prise de conscience de l’importance de son témoignage, notamment auprès d’autres victimes.
Un entretien réalisé dans le cadre de notre matinale
Dans une lettre ouverte publiée sur vos réseaux sociaux le 11 novembre, vous avez évoqué le drame que vous avez subi il y a un an jour pour jour, pouvez-vous revenir dessus ?
Le 11 novembre 2023, il y a donc un an, j’étais de retour de mes courses aux alentours de 16h30 lorsque j’ai été suivie par un homme dans la rue. J’ai été victime d’un viol dans le hall de mon immeuble pendant trente minutes, et il a également tenté de me tuer. Cet homme, originaire de Centrafrique, faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Aujourd’hui, il est incarcéré, mais le procès n’a pas encore eu lieu. Cette affaire a pris de l’ampleur car j’ai choisi d’en parler immédiatement dans les médias. Quelques jours plus tard, j’ai fait face à des critiques, certains m’insultant pour avoir dénoncé publiquement le profil de cet agresseur – une personne qui, en raison de sa situation, n’aurait pas dû se trouver sur le territoire français. Malgré les polémiques, je pense que cette démarche a contribué à libérer la parole sur ce type de sujet.
Comment avez-vous réagi au meurtre de Philippine, cette jeune française assassinée par un OQTF ?
Ce fut une épreuve difficile. J’étais en soirée avec des amis lorsque j’ai appris que le profil de l’agresseur de Philippine était également celui d’un homme sous obligation de quitter le territoire français (OQTF). Elle a été tuée au bois de Boulogne, un lieu que je connaissais bien, car auparavant, je vivais dans le 16e arrondissement et j’allais courir chaque jour précisément dans ce secteur, passant à l’endroit même où Philippine a perdu la vie.
Je me suis malheureusement identifiée à elle ; bien que nos histoires soient différentes, je n’ai pu m’empêcher de penser que cela aurait pu m’arriver aussi. J’ai ressenti la nécessité de prendre la parole. Aujourd’hui, je considère que c’est un devoir de s’exprimer pour toutes ces femmes, pour toutes ces victimes d’agressions, notamment lorsqu’il s’agit d’agressions de rue perpétrées par des personnes sous OQTF.
Vous êtes devenue connue à travers le drame dont vous avez été victime, pourtant, porter cette image est sans doute une lourde responsabilité ?
C’est très difficile, car au fond, nous ne sommes pas ce que nous avons subi. Il faut tenter de se détacher, de se désidentifier d’une agression. Pour ma part, cela est encore plus ardu, car j’en parle tous les jours. J’ai fondé une association et lancé un podcast, je partage constamment mon histoire, mais il est essentiel de faire la part des choses. Aujourd’hui, dans mon cas personnel, j’essaie de prendre du recul, de me désidentifier de ce traumatisme et de porter un message bien plus large pour toutes les victimes. Je me dis qu’après avoir traversé cette épreuve, il faut avancer et chercher à faire évoluer les choses.
C’est un parcours complexe, et je ressens personnellement le chemin parcouru et les progrès accomplis. J’ai choisi de ne pas recourir aux traitements médicamenteux, ce qui a rendu les choses plus difficiles, car en France, les antidépresseurs et anxiolytiques sont souvent prescrits aux victimes. Le processus a donc été long, marqué par des phases de profonde dépression et des idées suicidaires. À un moment, j’ai quitté mon emploi dans le conseil financier, où je gagnais environ 4000 euros par mois, pour me consacrer entièrement à mon association et au soutien de ces femmes.
Ce choix a impliqué de renoncer à un certain confort matériel et à une vie toute tracée. Après six années d’études et un diplôme d’une grande école de commerce, j’ai pris un tournant radical à 27 ans. Mon histoire a trouvé un écho chez de nombreuses personnes, car je sais que les victimes ne sont pas suffisamment accompagnées et que la justice avance très lentement. En me consacrant à cette cause, je ressens que je peux réellement contribuer à changer les choses.
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