Société
Meta tourne la page du fact-checking : l’« ElonMuskisation » qui inquiète la France
Depuis quelques jours, une annonce de Mark Zuckerberg ébranle les fact-checkers, ces défenseurs autoproclamés de la modération des contenus. Meta, maison mère de Facebook et Instagram, met fin à son programme de fact-checking. Ce dispositif, lancé il y a près de dix ans, permettait à ces « chevaliers » de la vérité officielle de vérifier les informations qui circulaient sur les réseaux sociaux et de signaler les contenus jugés trompeurs. La France exprime son inquiétude en réaction à cette décision.
Ce 7 janvier, Mark Zuckerberg a annoncé une série de changements importants pour Facebook. Il prévoit de « se débarrasser des fact-checkers », trop biaisés, et de les remplacer par un système de « notes de la communauté » inspiré de X (anciennement Twitter).
Les politiques de contenu seront simplifiées, avec moins de restrictions sur des sujets sensibles comme l’immigration et le genre, afin de permettre des débats plus ouverts. La modération sera recentrée sur les violations graves et illégales, tandis que les erreurs de censure devraient diminuer grâce à une approche plus ciblée. Enfin, les contenus politiques et civiques reviendront dans les fils d’actualité, tandis que Meta délocalisera ses équipes de modération au Texas, une manière assumée de tourner la page sur le « biais wokiste ».
Pour information, ce programme de fact-checking développé par Facebook rémunère plus de 80 médias à travers le monde pour utiliser leurs « fact-checks » sur sa plateforme, sur WhatsApp et sur Instagram.
Une première étape américaine, mais une vigilance européenne
Pour l’instant, cette décision ne concerne que les États-Unis, selon Meta. En Europe, l’entreprise assure qu’elle respectera le Digital Service Act (DSA), entré en vigueur en 2024, qui impose des règles strictes aux plateformes numériques pour encadrer les contenus en ligne. Clara Chappaz, ministre déléguée au numérique, a d’ailleurs confirmé qu’elle resterait attentive à l’application de ce cadre légal.
J’ai echangé avec la direction de Meta France ce soir qui m’assure que cette fonctionnalité ne sera déployée qu’aux Etats-Unis pour le moment. En Europe, le Digital Service Act sera respecté. Croyez en ma vigilance sur le sujet. https://t.co/EWOnqxCnbt
— Clara Chappaz (@ClaraChappaz) January 7, 2025
Cependant, l’inquiétude de la France persiste. Dans un communiqué du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, la France, comme d’autres pays européens, souligne que la modération des contenus est un outil essentiel pour lutter contre la désinformation et les ingérences numériques orchestrées par des régimes autoritaires.
Intégrité de l’information – La France exprime son inquiétude face à la décision de META de remettre en cause l’utilité du fact-checking pour limiter la circulation de fausses informations.
Déclaration intégrale ➡️ https://t.co/mkFfHMktR3 pic.twitter.com/NEyrWNosaf
— France Diplomatie 🇫🇷🇪🇺 (@francediplo) January 8, 2025
Meta elle-même avait d’ailleurs salué l’efficacité de son programme de fact-checking lors des élections européennes de 2024, ce qui laisse penser que la « modération » était surtout un levier bien pratique pour servir des intérêts politiques.
Des réactions alarmées dans le milieu du fact-checking
Évidemment, le virage à 180 degrés de Meta déclenche des réactions outrées chez les fact-checkers, principaux concernés par cette décision. Tristan Mendes France déplore que Zuckerberg s’« ElonMuskise » : « Zuckerberg suit ce qu’il croit être l’air du temps, va relâcher encore plus une modération déjà défaillante, et va s’appuyer sur le gouvernement Trump pour faire pression sur l’UE, qui ne voudrait pas que les réseaux deviennent plus toxiques. »
Julien Pain, quant à lui, y voit une dangereuse récupération des arguments de Donald Trump et d’Elon Musk, qui assimilent souvent le fact-checking à une forme de censure.
Mais faire passer le fact checking pour un outil de censure est un argument qui vient tout droit de Trump et de Musk, avec ses multiples relais en France.
— Julien Pain (@JulienPain) January 7, 2025
Fact-checker, qui est pris qui croyait prendre
Ironie du sort, ces mêmes fact-checkers qui crient au scandale de la désinformation ont eux-mêmes contribué à maintenir des « vérités officielles » douteuses. Interdiction, par exemple, de mentionner les signes évidents de sénilité du président Biden pendant le mandat de ce dernier. Ce n’est qu’après un débat désastreux contre Donald Trump, en juin 2024, que le New York Times a été contraint de briser le tabou, révélant dans un article du 2 juillet les « trous de mémoire de plus en plus fréquents et inquiétants » de Joe Biden. Jusque-là, toute tentative d’évoquer le sujet était balayée par des fact-checkers zélés, prêts à étiqueter tout écart comme « fausse information ».
Ironie du sort ou juste retour de bâton, si Zuckerberg appliquait réellement cette nouvelle politique, les fact-checkers se retrouveraient pris à leur propre piège. Après des années à imposer des « vérités officielles » et à étouffer tout débat déviant, ils subiraient à leur tour le couperet d’une plateforme qu’ils pensaient contrôler. Leur crédibilité, érodée par des biais évidents, n’aura pas résisté à l’air du temps. Meta, en tournant la page du fact-checking, ne ferait que mettre un terme à un système qui aura fini par trahir sa propre mission.
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