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Pour le Jubilé de Mohamed VI, la France reconnait le Sahara marocain
Le 30 juillet dernier, le roi Mohammed VI fête ses 25 ans à la tête du royaume chérifien. À travers son Roi, le Maroc célèbre aussi son petit miracle économique et diplomatique national. Actant ce changement de nature, son allié français vient d’opérer un game changer diplomatique majeur : la reconnaissance de la marocanité du Sahara.
C’était un point de polarité qui empoisonnait les relations entre les deux pays. Emmanuel Macron a tranché et désormais, la France reconnait la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sahara. Une décision d’une envergure supérieure à la reconnaissance de l’Espagne en 2022, compte tenu de la stature internationale de Paris.
Sans l’ombre d’un doute, cette décision va durablement consolider une relation privilégiée qui n’était pourtant pas au beau fixe depuis quelques années. Au point de laisser le poste d’ambassadeur du Maroc en France vacant pendant près de 9 mois en 2023. Le déplacement, en février 2024, de Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangère a aplani la situation. À l’origine de ces tensions, une probable distorsion entre une représentation obsolète du Maroc et sa réalité contemporaine. Le tremblement de terre de septembre 2023, dans l’Atlas, permet au Royaume de donner sa mesure en prenant en charge ses secours d’urgence en toute autonomie tout en cordonnant l’aide internationale. Auparavant émergent, le Maroc apparait maintenant émergé.
En clarifiant sa position, la France prend acte de l’embellie marocaine, elle-même le résultat de la politique de développement économique et de montée en puissance géopolitique initiée par Mohamed VI lors de sa montée sur le trône en 1999. Acteur africain influent, l’envol du Maroc au XXIe siècle à de quoi impressionner. Fort d’une vision à long terme dont les monarchies ont le secret, le Maroc a changé de visage. Le royaume Chérifien peut aujourd’hui se targuer d’un dynamisme économique et d’une position diplomatique régionale pivot autour des deux rives de la méditerranée. Les reconnaissances en cascade de marocanité du Sahara par les pays occidentaux (États-Unis, Espagne, mais aussi Pays-Bas et Allemagne, etc) : celle de la France, décisive pour le Maroc, était donc particulièrement attendue.
L’émergence d’un lion africain
Comment expliquer la progression du Maroc ? Difficile de ne pas l’attribuer à l’action politique de son Souverain. Le Malik (Roi), gouverne dans le cadre d’une monarchie tempérée par un Parlement, d’autant plus depuis l’ouverture décrétée depuis les Printemps arabes ; mais c’est bien le roi qui trace la ligne politique nationale, personnifiée dans ses discours-programme annuels. C’est ainsi qu’au tournant du XXIe, le Maroc s’ouvre plus largement aux capitaux étrangers et amorce une politique ambitieuse d’aménagement de son territoire.
Le pays démultiplie alors ses infrastructures logistiques en multipliant par vingt son maillage autoroutier et par cinq son tissu aéroportuaire et portuaire. Citons dans cette optique la grande réussite de Tanger Med, 1ᵉʳ port méditerranéen et dans le Top 20 mondial des terminaux de conteneur, ou bien le futur port de Dahkla, personnification de la nouvelle stratégie atlantique du royaume. Symbole de ce développement tous azimuts, l’inauguration, à l’horizon 2026, d’un des plus grands stades du monde à Casablanca. Qui l’aurait cru il y a 20 ans ? Le développement des infrastructures attire alors les investisseurs étrangers, avec à la clef l’industrialisation du pays. Elle se personnifie notamment dans le secteur automobile avec l’ouverture de l’usine Renault de Tanger, une des plus importantes du groupe français et la plus grande d’Afrique.
Sahara : le royaume du milieu
Cette embellie économique facilite la projection du pays dans sa profondeur stratégique naturelle : l’Afrique. L’objectif est double, reprendre pieds sur le continent et, par ruissellement, gagner des points sur le dossier -épineux- de la marocanité du Sahara ; sur ce dernier, elle contre l’ingérence de l’Algérie qui finance les séparatistes du Front Polisario.
L’action du Souverain s’est avérée décisive à cette reprise en main diplomatique. Via des dizaines de voyages, Mohammed VI a ainsi noué des liens personnels avec les dirigeants de l’Afrique subsaharienne. C’est la fameuse “diplomatie du voyage”. Cet activisme est dopé par le statut d’Amir al-mouminin (commandeur des croyants) du Souverain, très significatif en Afrique de l’Ouest. De cette manière, le Roi incarne de fait le soft-power culturel et religieux du Maroc dans la région.
En outre, dans Ses bagages, le dynamisme des entreprises marocaines et leurs capitaux. Si bien que le Royaume est aujourd’hui le second investisseur africain du continent et le premier en Afrique de l’Ouest. C’est fort de cet ancrage renouvelé que le Maroc est en mesure de se positionner comme un intermédiaire fiable entre Europe et Afrique. Une donne apparue de façon explicite lors de la Cop 22, à Marrakech, en 2016, alors que Rabat parvient à agréger une trentaine de pays africains à ses vues.
La signature des accords d’Abraham, en 2020, confirment la poussée diplomatique du Maroc tout comme sa singularité, en particulier au Maghreb. Menés par l’entremise de Washington, ces accords aboutissent à la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes en échange de la reconnaissance de l’État d’Israël. Cela tout en restant un des principaux appuis de la cause palestinienne. Une démonstration de realpolitik au moment où Tunisie et surtout l’Algérie professent l’antisémitisme comme doctrine politique. De facto les accords d’Abraham ont amorcé un cycle de reconnaissances officielles comparables à celui de la ré-intégration du Maroc dans l’Union africaine en 2017. La reconnaissance récente de la France, issue d’un processus différent qui tient à l’histoire commune des deux pays, n’en demeure pas moins le couronnement de cette tendance.
Rabat est aussi un acteur reconnu de la lutte contre l’extrémisme religieux et la radicalisation. Le Maroc est ainsi à l’avant-garde de la promotion de “l’islam du juste milieu” avec d’autres acteurs arabes comme les Émirats arabes unis. Couplé avec la qualité de ses services de renseignement, le royaume Chérifien est devenu un partenaire rapproché des services occidentaux dans la guerre contre le terrorisme djihadiste.
France-Maroc : quelle alliance pour le XXIe siècle ?
Partenaire et fournisseur militaire, mais aussi premier investisseur, la France doit poursuivre ses efforts pour mieux appréhender l’évolution de son allié. A contrario, le Maroc doit aussi entendre les demandes de Paris sur certains dossiers sensibles comme le trafic de drogue ou les flux de clandestins. Nul doute que les développements récents vont contribuer à fluidifier leur dialogue stratégique.
Ces deux pays méditerranéens aux histoires millénaires ont, par leur histoire et leurs intérêts géostratégiques, partis lié. Grande puissance, la France peut appuyer le Maroc dans son développement et sa projection. De son côté, le Maroc peut devenir un des piliers de la future politique africaine – et arabe – de la France.
Afrique et méditerranée sont des saillants pour Paris et Rabat. Leur collaboration apparait incontournable pour répondre à ces deux grands défis du siècle.
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