Société
Quand les tribunaux ne rendent plus la justice, les citoyens la rendent dans la rue
Pierre-Marie Sève analyse la tentation de l’autodéfense qui anime de plus en plus les citoyens français. Le directeur de l’Institut pour la Justice rappelle que la justice existait avant les tribunaux et qu’elle risque fortement d’être rendue par les citoyens si notre institution judiciaire n’effectue plus son travail.
« Gary, pourquoi ?! Pourquoi, Gary ?! » Ce 16 mars 1984, c’est cette question qui résonne dans les couloirs de l’aéroport de Louisiane.
Quelques instants plus tôt, Gary Plauché a abattu Jeff Doucet d’une balle dans la tête, en direct à la télévision et au milieu de l’aéroport.
La raison d’un tel acte ? L’homme que Plauché a abattu a violé son fils pendant près d’un an. Lors de son procès, il déclarera simplement : « Si cela avait été votre enfant, vous auriez fait la même chose ». Un argument entendu par la Cour d’assises, qui ne le condamna qu’à une peine de… travaux d’intérêt général. Cette affaire, célèbre aux États-Unis, pourrait n’être qu’anecdotique, si elle n’offrait un enseignement précieux : lorsqu’un citoyen n’a plus confiance dans le système judiciaire pour rendre la justice, il la rend lui-même.
Quand l’autodéfense traverse l’Atlantique
Cette perte de confiance en la justice se généraliserait-elle en France ? Ces dernières années, plusieurs journalistes se sont en effet alarmés d’une tendance de citoyens se faisant justice eux-mêmes. Statistiquement impossible à prouver, cette croissance saute néanmoins aux yeux de beaucoup d’observateurs. En mars 2023, par exemple, un homme était jugé pour avoir passé à tabac un clandestin guinéen, auteur d’une agression sexuelle contre sa petite fille à Roanne. Malgré le caractère exceptionnel de la situation, la justice a condamné tout le monde indistinctement : le pédophile à 18 mois de prison (il a d’ailleurs récidivé en prison sur une éducatrice), mais aussi le père de famille à 8 mois avec sursis et un de ses « complices » à 6 mois ferme. Lors du procès du père de famille, le procureur se montrait intraitable : « en France, on ne se fait pas justice soi-même ». Mais si la justice n’effectue pas son travail – ou qu’elle donne le sentiment de ne pas le faire – les citoyens perdent-ils pour autant leur droit à la justice ? Car en démocrati
Cet article est réservé aux abonnés.
Pour lire la suite, profitez de nos offres sans engagement !
Aucun commentaire
Loading