Politique
[Edito] Le double défi Jordan-Le Pen
À droite, le match se jouera entre Marion Maréchal et Jordan Bardella.
À la suite de l’intervention de Marion Maréchal sur TF1, Paul Sugy, journaliste au Figaro, tweetait : « Les européennes se joueront donc à droite entre Jordan Bardella, Marion Maréchal et sans doute FX Bellamy. Surprenant match entre trois jeunes têtes d’affiche qui ne semblent s’opposer que sur des détails : plus les idées convergent et plus les rangs se déchirent. »
Pour le camp conservateur, c’est une belle victoire idéologique, alors que certains doutent avaient été émis sur la portée de ce courant suite à ses récentes défaites électorales.
Il faut cependant établir des nuances à ce tableau comparatif : si Jordan Bardella est sur un créneau plus « droitier » que sa mentor Marine Le Pen, c’est également pour des raisons stratégiques, et c’est négliger sa fibre sociale très forte, lui qui est issue des quartiers de la Seine-Saint-Denis.
Ce sera tout l’enjeu pour lui, de savoir concilier lutte contre l’immigration et lutte sociale. En cela, le modèle scandinave apparaît un atout pour lui : si tant d’électeurs suédois ont basculé à droite ces dernières années, c’est en raison d’un pari gagnant. Et d’une mise en avant simple de l’équation par les politiques de droite : sans contrôle de l’immigration, le modèle social de l’État-providence ne tiendra plus et s’effondrera. On ne peut à la fois accueillir beaucoup d’étrangers et proposer un système social généreux aux citoyens. On sait à quel point l’État-providence est une donnée importante pour les pays du Nord, comme en France.
C’est la différence de fond entre Jordan Bardella d’un côté, et François-Xavier Bellamy tout comme Marion Maréchal de l’autre : si ces deux derniers veulent imposer la thématique de l’immigration et de la lutte civilisationnelle (même si on ne connaît pas encore véritablement le programme du candidat LR car non déclaré), ils sont marqués d’une teinte libérale plus proche de la ligne Meloni en Italie.
Maréchal ou Le Pen ?
Cette fois-ci cependant, l’approche consistant à dire que le RN est anti-élite ne suffira pour se distinguer. En effet, lors de son interview de candidature au Figaro, Jordan Bardella a eu cette phrase surprenante : « J’estime que c’est mon rôle, à la fois de chef de parti et de parlementaire, de faire prendre conscience à nos élites de ce que vivent au quotidien nos concitoyens. » Pour la première fois, il exprimait clairement le souhait de s’adresser aux élites, estimant finalement qu’elles pourraient un jour basculer dans son camp.
Pour Marion Maréchal, elle devra en somme mettre en place une stratégie à deux têtes : que l’origine Le Pen sache rogner une partie de l’électorat RN attaché à cette marque depuis des décennies, et que “Marion” puisse draguer l’électorat LR comme sa cote de popularité le montre.
Du côté de Jordan Bardella, le défi est grand mais s’il le remporte, l’avenir est assuré pour lui : en tête de ces élections européennes, et s’il parvient à reléguer loin derrière la liste du parti d’Eric Zemmour, il aura réussi le défi d’être devant une Le Pen. Sur son nom. Bref, il aura fait ce que voulait déjà faire Marion, en se rebaptisant Maréchal.
Alors que les sondeurs et chroniqueurs pensaient ces dernières années que personne ne parviendrait à effacer une Le Pen : avec la complicité de Marine, c’est le défi de Jordan face à Marion.
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