International
Mexique : des manifestants envahissent le Sénat
Au Mexique, des manifestants ont envahi le Sénat, interrompant un débat sur une réforme judiciaire qui suscite des tensions politiques internes, des inquiétudes sur l’indépendance de la justice et des frictions diplomatiques avec les États-Unis.
« Sénateurs, arrêtez le dictateur ». Le mardi 10 septembre 2024, au Mexique, des manifestants opposés à une réforme judiciaire proposée par le président de gauche sortant, Andrés Manuel López Obrador, ont pénétré dans l’enceinte du Sénat, forçant la suspension temporaire des débats. Les discussions, devenues impossibles, ont finalement été déplacées dans un autre bâtiment et les débats ont pu reprendre dans la soirée.
Les manifestants, drapeaux mexicains en main, scandaient des slogans tels que « Sénateurs, arrêtez le dictateur » et « le pouvoir judiciaire ne tombera pas ». Ils ont pu atteindre l’hémicycle après avoir franchi les barrières de sécurité.
« Il y aura une réforme du pouvoir judiciaire »
Face à cette situation insurrectionnelle, le président du Sénat, Gerardo Fernandez Noroña, a ajourné la session parlementaire et a annoncé le transfert des débats vers un autre lieu. « Il y aura une réforme du pouvoir judiciaire », a-t-il affirmé. La réforme proposée, qui fait tant débat, instituerait une élection populaire pour tous les juges, y compris ceux de la Cour suprême, une première mondiale. Elle a déjà été adoptée la semaine précédente par la Chambre des députés, malgré un blocage de la Chambre basse par des manifestants qui a conduit à une délocalisation des débats, cette fois-ci dans un gymnase.
Mexique : 90 % des crimes restent impunis
Les opposants politiques, parmi lesquels les partis PAN, PRI et Mouvement Citoyen, craignent que cette mesure ne compromette l’indépendance des juges, les rendant plus vulnérables aux pressions extérieures, notamment de la mafia, très présente au Mexique. « Nous nous battrons jusqu’au bout pour empêcher cet outrage à la République et à la démocratie », a déclaré la sénatrice de centre gauche, Alejandra Barrales.
La présidente de la Cour suprême, Norma Piña, a également exprimé ses préoccupations, avertissant contre une « démolition du système judiciaire ». Le président Lopez Obrador, quant à lui, parle de tentatives visant à maintenir des « privilèges » au sein d’un système judiciaire qu’il considère comme corrompu et au service des élites. Selon lui, plus de 90 % des crimes au Mexique restent impunis, une situation que cette réforme pourrait contribuer à changer.
Des tensions économiques et diplomatiques croissantes
La proposition de réforme a également suscité des tensions sur le plan international, notamment avec les États-Unis, premier partenaire commercial du Mexique. Washington perçoit cette initiative comme un « risque » pour la démocratie mexicaine et une « menace » pour les relations commerciales bilatérales. En réaction, le gouvernement mexicain a dénoncé une « ingérence » des États-Unis dans ses affaires internes et a mis en pause ses relations avec l’ambassadeur américain, Ken Salazar. Sur le plan économique, l’incertitude entourant cette réforme a contribué à une baisse significative du peso mexicain, qui a atteint son niveau le plus bas en deux ans par rapport au dollar.
Margaret Satterthwaite, rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats, a pour sa part exprimé des inquiétudes sur l’éventuelle vulnérabilité du système judiciaire mexicain face à de possibles pressions extérieures si cette réforme venait à être adoptée « sans garanties solides contre l’infiltration du crime organisé ».
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