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Abou Mohammed al-Joulani : un djihadiste déguisé en dirigeant politique arrive à Damas ?
Abou Mohammed al-Joulani, leader du groupe islamiste HTS, incarne une menace croissante en Syrie après la chute de Damas. Derrière une façade modérée, ce djihadiste historique pourrait transformer le pays en un califat islamiste.
La chute de Damas, le 8 décembre 2024, marque une nouvelle ère pour la Syrie, mais aussi l’émergence d’une nouvelle menace. Aux commandes de cette offensive victorieuse se trouve Abou Mohammed al-Joulani, chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS). Bien que ce dernier cherche à se présenter comme un dirigeant politique pragmatique, ses actions passées et l’idéologie de son organisation révèlent une ambition inquiétante : celle de transformer la Syrie en un califat islamiste sous son contrôle.
Un passé lourd islamiste
Né en 1982 à Deraa, dans le sud de la Syrie, Ahmed al-Chareh, alias Abou Mohammed al-Joulani, a grandi dans une famille aisée avant de rejoindre les rangs d’Al-Qaïda en Irak à l’âge de 21 ans. À la suite de l’invasion américaine de 2003, il gravit rapidement les échelons sous l’égide d’Abou Moussab al-Zarqaoui, devenant l’un des cadres de l’organisation. Capturé en 2006 par les forces américaines, il est envoyé au tristement célèbre camp de Bucca, où il côtoie Abou Bakr al-Baghdadi, futur chef de l’État islamique (EI).
En 2011, al-Joulani est envoyé en Syrie pour établir une branche locale d’Al-Qaïda : le Front al-Nosra. Ce groupe devient rapidement une force majeure du conflit syrien, utilisant des tactiques brutales, notamment des attentats-suicides, pour s’imposer. En 2016, al-Joulani rompt officiellement avec Al-Qaïda et rebaptise son organisation Hayat Tahrir al-Cham (HTS), une tentative stratégique pour se distancer des stigmates du terrorisme international.
Un discours modéré pour masquer des ambitions islamistes
Depuis sa rupture avec Al-Qaïda, al-Joulani s’efforce de se présenter comme un leader nationaliste, désireux de mettre fin à la dictature d’Assad et d’offrir une alternative politique à la Syrie. Dans les zones qu’il contrôle, notamment à Idlib, HTS a mis en place un « gouvernement de salut », une administration civile gérant l’économie et les infrastructures locales.
Récemment, al-Joulani a multiplié les gestes d’ouverture envers les minorités religieuses et les communautés locales. À Alep, il a promis de protéger les églises et de respecter la diversité culturelle. Il a même évoqué la possibilité de dissoudre HTS pour permettre une gouvernance civile plus inclusive. Ce discours, soigneusement calibré, vise autant à rassurer les populations syriennes qu’à séduire les puissances occidentales.
Arrivé à Damas ce jour, il a directement réalisé la prière islamique pour marquer son arrivée et la victoire de ses troupes.
Ahmed al-Sharaa, famous Joulani, arrived to Damascus.
The main contender for future president. pic.twitter.com/Z4wkJxaFzW— Paweł Wójcik 🦋 (@SaladinAlDronni) December 8, 2024
Une réalité bien différente sur le terrain
Derrière ces annonces se cache une réalité beaucoup plus sombre. HTS reste profondément ancré dans une idéologie islamiste stricte. Les ONG et les Nations unies ont documenté de nombreuses violations des droits humains dans les zones contrôlées par le groupe : exécutions sommaires, torture, répression des dissidents et imposition de lois islamiques strictes.
À Idlib, les libertés individuelles sont sévèrement restreintes. Si les femmes peuvent conduire ou travailler, elles doivent se conformer à des codes vestimentaires imposés par le régime. Les médias indépendants sont muselés, et toute opposition à l’autorité d’HTS est réprimée avec brutalité. Le « gouvernement de salut » d’al-Joulani, présenté comme une administration civile, n’est en réalité qu’une façade pour masquer le contrôle total exercé par HTS.
Un califat islamiste en devenir ?
Les analystes s’inquiètent de voir la Syrie évoluer vers un régime islamiste à l’image de l’Afghanistan sous les talibans. Charles Lister, chercheur au Middle East Institute, souligne que « la structure actuelle de HTS démontre clairement des ambitions de gouvernance islamiste, avec des institutions civiles subordonnées aux autorités religieuses ». Cette transformation risque de plonger la Syrie dans un nouveau cycle d’autoritarisme, cette fois sous une bannière religieuse.
Les promesses d’al-Joulani de respecter les minorités et d’instaurer une transition pacifique semblent davantage destinées à légitimer son pouvoir qu’à refléter une véritable volonté de changement. L’histoire récente de HTS montre que son leader est prêt à tout pour atteindre ses objectifs, y compris manipuler l’opinion publique et les puissances étrangères.
La position de la communauté internationale
La chute du régime d’Assad a été saluée par plusieurs dirigeants mondiaux. Emmanuel Macron, président français, a publié sur X : « L’État de barbarie est tombé. Enfin. Hommage au peuple syrien, à son courage, à sa patience. » Cependant, cette déclaration, bien qu’exprimant une satisfaction légitime face à la fin de la dictature d’Assad, ignore les implications de la possible arrivée au pouvoir d’Al-Joulani.
L’État de barbarie est tombé. Enfin.
Je rends hommage au peuple syrien, à son courage, à sa patience. Dans ce moment d’incertitude, je forme pour lui des vœux de paix, de liberté et d’unité.
La France restera engagée pour la sécurité de tous au Moyen-Orient.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) December 8, 2024
L’arrivée d’al-Joulani et de HTS au sommet du pouvoir ne marque pas une avancée vers la démocratie ou la liberté. Au contraire, elle pourrait entraîner la création d’un califat islamiste où les droits fondamentaux seraient sacrifiés au nom d’une idéologie radicale. Les puissances occidentales, en célébrant la chute d’Assad, risquent de sous-estimer la menace posée par al-Joulani et son groupe.
Un avenir incertain pour la Syrie
Alors qu’al-Joulani s’installe à Damas, la Syrie est à la croisée des chemins. Les ambitions d’HTS pourraient transformer le pays en un bastion islamiste, isolé sur la scène internationale et marqué par de nouvelles formes d’oppression. Pour de nombreux Syriens, la fin du régime d’Assad, bien que saluée comme une victoire, pourrait ne pas signifier la fin de la souffrance.
À lire aussi : Syrie : La France salue la chute de Bachar al-Assad et appelle à une transition pacifique
1 commentaire
Imperius
Je ne vois pas quelles félicitations on pourrait tirer de la chute d’une dictature du moyen orien pour un régime islamisque… On sait tous ce qu’il va se passer par la suite.
Ces pays sont totalement ingérable, la seule façon de procéder serait de construire un mur avec ces civilisations et de n’avoir aucun contact.
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