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[Édito] L’inextricable problème de la natalité

Durant sa conférence de presse du 16 janvier, Emmanuel Macron a appelé au « réarmement démographique ». Une formule malheureuse pour une question plus complexe qu’en apparence.

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[Édito] L’inextricable problème de la natalité

Évidemment, il n’a pas fallu une heure pour que la gauche parte en courant, agitant des chiffons rouges et bousculant tout le monde en hurlant au patriarco-fascisme : l’ultra-conservateur Président de la République Emmanuel Macron aimerait une hausse de la natalité, il va donc supprimer le droit de vote des femmes. La folie furieuse étant contagieuse, des hordes de « féministes » se sont mis à craindre pour « le droit à l’IVG » ou à comparer la déclaration à la Servante écarlate, série dans laquelle les femmes sont esclaves des hommes et forcées à devenir des gestatrices à plein temps.

D’un autre côté, la droite, si elle s’est interdit d’applaudir un discours qu’elle défend généralement, a caché à grand-peine sa satisfaction. De fait, le Rassemblement national avait fait de la natalité l’un des axes de son programme, et les LR, majoritairement conservateurs, alertent régulièrement sur la crise de la natalité.

Natalité : les causes de la baisse     

Autrefois « Chine de l’Europe », la France avait amorcé sa transition démographique bien avant tous les autres pays du Vieux Continent. Pourtant, jusqu’à récemment encore, la France demeurait une vraie puissance démographique, faisant partie des derniers pays d’Europe à passer sous le seuil de renouvellement de 2 enfants par femme. Aujourd’hui, les chiffres sont particulièrement inquiétants : 1,68 enfant par femme. La chute est vertigineuse, et si la France fait toujours bonne figure auprès de la majorité de l’Europe, la situation pourrait bien ne pas durer : selon les projections actuelles, la France devrait atteindre son pic démographique en 2044 (uniquement grâce à la présence de l’immigration) juste au-dessous des 70 millions d’habitants avant de décroître légèrement. Sans immigration, on observerait effectivement une baisse du nombre d’habitants, et une baisse vraisemblablement conséquente. Alors, pour une partie de la droite, il faut effectivement relancer la natalité autochtone.

Mais pourquoi la France connaît-elle cette chute démographique ? On peut trouver plusieurs raisons à cela si l’on s’inscrit dans le temps long. D’abord, une évolution des mœurs s’étant traduite par une généralisation de l’avortement et des moyens de contraception : le risque d’enfant non-désiré est désormais très faible. Second phénomène : la culpabilisation de la maternité. Depuis plusieurs années, voire décennies, la maternité est présentée par la gauche et une partie des médias et des institutions comme un asservissement de la femme, prisonnière de son corps et du géniteur, à l’opposé de la femme libérée. Ensuite, le vieillissement de la population signifie moins de personnes en âge de procréer. De même, les relations homme-femme étant moins marquées par l’engagement marial qu’avant, l’idée de construction d’un foyer et d’un « projet » maternel se réduit petit à petit : l’âge moyen du premier mariage est aujourd’hui établi à 32 ans alors qu’il était par exemple de 25 ans au pic des Trente Glorieuses, ce qui nous amène au dernier point : le manque de confiance en l’avenir.

De fait, la société dans laquelle nous vivons est tant emplie d’incertitudes et de peurs qu’il est de plus en plus difficile de se projeter : savoir où l’on sera dans dix ans relève désormais de l’exploit, d’autant que le déclassement, les conflits géopolitiques, la hausse en flèche de l’insécurité et l’absence de perspectives rend bien plus ardue la quête d’enfants.

Remonter la natalité : c’est possible

Avec 1,56 enfant par femme, le taux de fécondité hongrois ne fait pas forcément rêver dans une perspective française. Pourtant, il faut aussi savoir d’où revient la Hongrie : à l’accession de Viktor Orban au pouvoir en 2010, elle en était à 1,25. Une hausse assez importante d’autant qu’elle est réalisée avec une immigration bien plus faible. De fait, les femmes issues des pays moins développés ont souvent tendance à faire plus d’enfants : que voulez-vous, elles sont moins « libérées ». Ainsi, la politique nataliste du Premier ministre hongrois semble porter ses fruits : des allocations familiales élevées, une exemption d’impôt sur le revenu à partir de quatre enfants… pas de quoi remonter la pente jusqu’au renouvellement, pour l’instant, mais un bon début. De même, historiquement en Europe, on retrouve plusieurs exemples d’enrayement du déclin démographique, celui-ci étant, le plus souvent, conjoncturel. Les tendances lourdes, cependant, ont la peau dure.

Augmenter la natalité ne signifie évidemment pas, comme le racontent les féministes, forcer les femmes à avoir des enfants, ou les inciter à en faire contre leur gré. L’idée est plutôt en fait de permettre aux femmes qui le souhaitent d’avoir des enfants. Contrairement à ce que l’on peut penser, la natalité pourrait bien remonter en France : le nombre d’enfants désirés est de 2,4 par femme, soit plus que le seuil de renouvellement ! Ainsi, alors que les « féministes » incitent les femmes à ne pas avoir d’enfants pour se « libérer », les politiques natalistes laissent au contraire les femmes plus libres d’avoir des enfants si elles le souhaitent.

Les enfants ? Mais pourquoi faire ?

Si on a bien compris pourquoi l’extrême gauche était opposée à la maternité, cela ne signifie pas pour autant que celle-ci est bonne « en soi ». De fait, d’un point de vue politique, pourquoi nos dirigeants souhaitent-ils augmenter la natalité ?

« Réarmement démographique ». Il faut dire que la formule est malheureuse : l’idée de militariser la chambre à coucher donne aussi celle d’enfants-soldats au service des intérêts de l’État, en l’occurrence, l’économie. De fait, Emmanuel Macron n’est pas particulièrement connu pour son attachement aux valeurs du mariage traditionnel : lui-même faisant partie d’un couple atypique, on ne lui en voudra pas. Aussi, la raison qui pousse le Président de la République à évoquer le sujet en conférence de presse n’est certainement pas due au hasard, mais plutôt à sa vision matérialiste et économique de la société. Pour faire simple : alors que la population va continuer de vieillir, il faudra plus de cotisants pour maintenir le système actuel de retraites. Deux solutions s’affrontent alors : ou augmenter le nombre d’actifs par la baisse du chômage et la hausse de la natalité et de l’immigration, ou baisser les retraites géantes des boomers pour rendre aux actifs le fruit de leur travail, option évidemment invraisemblable au regard de la composition de l’électorat macroniste.

Voir la natalité comme une seule arme politique, c’est faire exactement la même chose que l’extrême gauche en déshumanisant ce qui doit être un acte d’amour, raison pour laquelle l’État ne peut prétendre à trop d’implication dans la chambre à coucher. Pourtant, alors que la crise écologique menace aujourd’hui la planète se pose aujourd’hui une nouvelle question : est-il souhaitable de rechercher une France toujours plus peuplée, toujours plus bondée, toujours plus entassée sur elle-même, ou un déclin démographique contrôlé pourrait-il permettre au contraire une société plus aérée, plus épanouie et plus sereine ? Peut-être qu’un jour prochain, il nous faudra effectivement faire le choix du bien-être au-delà de la puissance économique, mais pour cela, c’est d’un réarmement philosophique dont nous aurons besoin.

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