Dans le cadre de notre enquête sur le racisme anti-blanc en Afrique du Sud, une partie de l’équipe de Frontières a parcouru la “nation arc-en-ciel” afin de mettre en avant un racisme dont personne ne parle, celui contre les blancs.

Munsieville

J’avais déjà entendu parler de ces immenses bidonvilles de blancs en Afrique du Sud, mais sans vraiment y croire ni sans savoir s’ils existaient encore. Savoir exactement où les trouver n’a pas été une mince affaire, vu le peu de médias qui en parlent avec précision. À peine arrivé à Johannesburg depuis Paris, je souhaitais absolument m’y rendre pour tenter de comprendre ce qu’il se passe réellement ici.

Le bidonville de Munsieville est sans doute l’un des lieux qui demeureront toujours dans ma mémoire. Pour y parvenir, il a d’abord fallu traverser près d’un kilomètre d’un bidonville dédié aux noirs, dans des rues malpropres et d’apparence dangereuse. Des regards cinglants nous faisaient comprendre que nous n’étions pas les bienvenus, jusqu’à ce qu’on parvienne à une sorte de checkpoint improvisé marquant le début de la zone mixte, celle où sont rassemblés blancs et noirs.

Quand on y entre, c’est évidemment la misère qui frappe les yeux. Comme dans n’importe quel bidonville pourrait-on arguer. On y retrouve les mêmes habitations de tôle ondulée, de bric et de broc, ces tristes clôtures de planches et de fer enserrant un « jardin » de quelques mètres carrés. On y retrouve ces mêmes hères marchant à travers les sentiers, la misère est partout. On y est soit en surpoids, soit rachitique ; et dans quelques milliers de mètres carrés vivent quelques milliers d’âmes ne possédant ni intimité, ni espace, ni richesse. Munsieville est comme un débarras humain : ceux qui sont rejetés ou qui ont tout perdu y échouent, naufragés d’une société sud-africaine dans laquelle la pauvreté augmente sans cesse, entraînant avec elle ses cohortes de miséreux sans terre et sans espoir.

J’avais déjà connu la pauvreté lors de mes reportages. En France ou chez ces migrants qui traversent des milliers de kilomètres en quête d’un nouvel avenir sans rien posséder, j’ai pu voir ce qu’était un homme qui mange un jour sur trois, une femme qui se prive pour ses nourrissons, des regards et des estomacs vides. À Munsieville, c’est toutefois différent. Dans la partie du bidonville que nous étions venu voir, au beau milieu de l’Afrique du Sud, à une heure de Johannesburg, ces gens me ressemblaient. La moitié de ma famille est bretonne, l’autre est suédoise, et à près de 9 000 kilomètres de chez moi, je voyais ces gens qui me ressemblaient, tout en bas de l’Afrique.

Munsieville est le plus grand bidonville blanc d’Afrique du Sud – d’Afrique tout court d’ailleurs. Ici, des centaines de personnes de peau blanche – difficile de les dénombrer avec exactitude – vivent dans la misère totale. Il faut être honnête, c’est une sensation étrange que de les voir ainsi. Quand on pense à un bidonville, on imagine la ville du Caire, l’Inde ou l’Afrique subsaharienne. Ici, dans un pays à 81 % noir, nous avons retrouvé des centaines de blancs d’origine néerlandaise, anglaise ou même française dans un bidonville d’extérieur semblable à tous les autres bidonvilles.

La revanche des noirs

On le sait, à la fin de l’apartheid en 1994, comme dans tout le reste de l’Afrique post-coloniale d’ailleurs, les blancs étaient largement plus riches que la plupart des noirs. Héritiers de la technologie et de la culture européenne dans un continent très largement sous-développé, ils n’avaient eu que peu de difficultés à prendre le contrôle de cet immense territoire.

L’histoire de l’Afrique du Sud diffère quelque peu des autres pays du continent. De fait, la présence européenne y est ancienne : au XVIIe siècle, des huguenots français et une large majorité de protestants néerlandais s’y sont installés pour fuir les guerres de religion qui ravageaient le Vieux Continent. Un siècle et demi plus tard, alors que les Pays-Bas qui administraient la région jusque-là sont en déclin, le contrôle du pays passe aux Anglais qui mèneront une guerre impitoyable tant aux noirs qu’aux Boers (« paysans » en afrikaans). Ce sont ces mêmes Boers qui vivent aujourd’hui à Munsieville.

Blonds aux yeux bleus pour une part, leur visage ressemble à celui de n’importe quel Européen du nord. Le climat, similaire à celui de la Méditerranée par endroits, n’a pas tanné leur peau.

Alors, comment cette caste blanche, autrefois privilégiée par les lois raciales qui avaient cours dans le pays, a-t-elle pu se retrouver dans ce bidonville, dans une telle indigence ? La fin du régime de l’apartheid a sonné le glas de cette domination blanche en Afrique du Sud. Comme pour réparer ces décennies de régime, les nouveaux dirigeants ont édicté des lois raciales à leur tour dans le but de réparer les torts commis envers les populations autochtones. Aujourd’hui, de nombreux blancs ne peuvent plus trouver un travail à cause de ces lois, et certains se retrouvent à Munsieville.

Un bidonville bien organisé

Pour voir l’intérieur du camp, nous sommes guidés par William*, le chef informel de la partie blanche du bidonville de Munsieville. Il est accompagné d’une sorte d’assistant nommé Robert*. Si William semble plutôt bien portant, bien qu’usé par l’effort d’une vie sans confort, Robert, lui, n’a pas toutes ses dents. Constamment penché, mince, un certain malheur semble habiter son esprit. Nous avons dû être mis en contact avec lui pour entrer, car un premier trajet dans le bidonville nous a convaincus dans un premier temps de faire demi-tour. Avec eux pour nous guider, nous ne craignons rien.

William est un homme calme, mais un homme en colère. « Ces derniers temps, nous avons de l’électricité presque tout le temps. Ils la remettent juste avant les élections ! » s’exclame-t-il. Effectivement, nous réalisons notre reportage à peine quelques jours avant les élections nationales après lesquelles l’ANC (African National Congress), parti au pouvoir depuis 1994, se maintiendra en perdant pour la première fois la majorité absolue. Jusque dans le cœur du bidonville, on retrouve des affiches de Cyril Ramaphosa, le président du pays. Nous croiserons aussi, au beau milieu du slum, une femme portant un T-Shirt et une pancarte de l’EFF, le parti suprématiste africain qui faisait chanter « Kill the Boers » dans les stades.

Comment lui et tant d’autres blancs se sont-ils donc retrouvés à Munsieville ? Selon lui, le mal prend racine dans la fin de l’apartheid, en 1994 : « C’est pire depuis la fin de l’apartheid. Mélanger les races était une bonne idée, mais les lois raciales furent une erreur. Il y a un vrai problème de pauvreté blanche à cause des BEE Laws. » Ces BEE Laws, Robert en fut victime. Il y a plusieurs années désormais qu’il est à Munsieville, ayant perdu son emploi de graphiste à cause de ces lois de discrimination raciale qui interdisent aux entreprises d’embaucher trop de blancs. Ici, le racisme vient de l’État : « Les blancs sont une minorité discriminée, mais il n’y a pas de racisme entre nous », développe William. À l’origine, l’objectif des blancs de Munsieville était de vivre entre eux pour ne pas subir l’isolement, mais à en croire notre guide, « le gouvernement veut de la mixité raciale partout, même dans les bidonvilles ». Ainsi, même ici, ces Afrikaners doivent cohabiter avec d’autres ethnies, et ce n’est que grâce aux dures règles que la communauté s’impose qu’il n’y a pas de tensions. William repense à l’avant-apartheid avec une certaine nostalgie parfois : « Avant 1994, nous avions une police et un gouvernement non-corrompus, des hôpitaux, des routes… »

« Si quelqu’un enfreint les règles de notre communauté, il en est exclu »

Nous arrivons à la cahute de Robert. C’est une « maison » de tôle aux planches de bois rouges, encerclée par une barrière de fils de fer et une clôture branlante. Quelques mètres carrés et quelques maigres éléments de décoration : deux portraits à l’entrée sont les seuls éléments de la vie d’avant de notre compagnon ancien dessinateur. Ils sont trois à vivre dans, à vue d’œil, dix mètres carrés.

Nous posons la brûlante question de l’insécurité à William : alors que l’extrême pauvreté y est souvent associée, comment la communauté blanche de Munsieville fait-elle pour s’en prémunir ? Ici, la police ne vient jamais, et d’ailleurs, la corruption extrême de l’institution ne serait même pas forcément une bonne nouvelle. « Si quelqu’un enfreint les règles de notre communauté, il en est exclu », raconte William. Et si quelqu’un fait quelque chose de particulièrement grave, comme un meurtre ? « Alors on le tue, et on jette son cadavre dans la nature », explique notre hôte sans complexe. Quelques rares armes à feu permettent aussi parfois de se défendre, et de toute manière, l’entrée dans cette partie du bidonville est surveillée.

Ces quelques centaines de miséreux se sont ainsi organisés en une communauté solidaire : nous arrivons à une bâtisse rose ayant l’air plus propre, plus grande, plus solide que les autres, avec une meilleure clôture : la cuisine. Alimentée par les dons et la contribution de chacun, on y cuisine pour une large partie de la communauté : « D’habitude, nous cuisinons pour environ 200 personnes, mais nous allons jusqu’à 350 un jour par semaine », nous explique une jeune femme obèse qui se révèle être la fille de William « Comment faites-vous pour nourrir tout ce monde ? Chacun a de quoi manger ? » lui demandons-nous. « On donne une portion à chacun, juste de quoi survivre. On ne peut pas faire plus : tout le monde se moque de nous et le gouvernement ne nous donne rien ». Ce sont donc les rares travailleurs de Munsieville et les familles ou amis qui nourrissent la communauté. Ici, il n’y a aucune ONG.

Parmi les quelques bâtiments en dur, on retrouve également, peinte en blanc, une garderie. Elle est destinée aux enfants de ceux qui travaillent. On y retrouve des éléments qui n’existent nulle part ailleurs : de l’air conditionné et une télévision. Nous voyons ici une dizaine d’enfants en bas âge en train de dormir. La plupart d’entre eux sont noirs, et dorment sur des tapis posés à même le sol. On y retrouve aussi un petit potager dehors qui permet de faire pousser quelques légumes. Ici, le mot d’ordre est « do it yourself ! » (Fais-le toi-même).

Nous arrivons ensuite à une espèce de grosse bâtisse faite de bois et de béton, plus grande que les autres. C’est celle de William : il l’a construite de ses propres mains et s’attelle aujourd’hui à construire les maisons des autres. Deux molosses la gardent : « Ils ont eu dix-neuf chiots » s’exclame leur maître avec fierté et amusement. La maison est effectivement celle d’un chef de village et comporte une salle de bain, une chambre, un salon… et un « jacuzzi » qu’il a creusé dans la terre, à nouveau de ses propres mains. Munsieville, c’est l’empire de la débrouille et de la solidarité ; quand on n’a pas, on fait.

Une famille aux cheveux d’or

Nous laissons là William, sans manquer de le remercier chaleureusement. C’est maintenant l’heure de la sortie des cours et un couple que nous avons rencontré nous enjoint de les accompagner chercher les enfants. Après une bonne demi-heure de marche, nous nous retrouvons sur une route de bitume : c’est ici que le bus scolaire dépose les enfants du bidonville de Munsieville chaque jour. Après une brève attente, ils sont là : une vingtaine d’enfants de différents âges, blancs et noirs, sortent du véhicule en uniforme jaune. À les voir, à entendre leurs rires s’envoler aussi haut que s’envolent les cris des oiseaux, on croirait assister à une sortie de classe dans un quelconque pays européen. Nous marcherons à nouveau une demi-heure avec eux.

Sur le chemin, nous apprenons que ces mômes ont une éducation bien remplie : ils apprennent, en plus de l’afrikaans (langue des Boers dérivée du néerlandais), l’anglais et le tswana. Pour être tout à fait honnête, à sept ans, ils parlent même mieux la langue de Shakespeare que moi. Heureux d’apprendre, l’école est pour eux comme un sanctuaire où ils s’extraient de la dure condition du bidonville. Je les trouve d’ailleurs particulièrement éveillés pour leur âge.

Au bout d’un certain temps, blancs et noirs se divisent pour rentrer dans leur quartier du bidonville. En suivant le courant d’enfants qui se répartit petit à petit dans les galetas, mon regard s’arrête sur quatre jeunes filles qui rentrent ensemble. Maigres, blondes aux yeux bleus, elles s’arrêtent devant un portail derrière lequel attend une mère à l’air fatigué, un enfant d’à peine trois ans à ses pieds. Je la salue, elle m’interroge sur ma présence. Lui ayant expliqué ma situation, la conversation s’entame. Autour, les jeunes filles écoutent patiemment : ce n’est pas tous les jours qu’un Européen s’arrête à Munsieville, au cœur de la banlieue la plus perdue de Johannesburg. Et puis, voyant cette famille réunie, je demande où est le père. « Il n’y a plus de père » : silence de plomb sous soleil de plomb.

Par terre, il y a cet enfant de quatre ans habillé d’un petit sweat à capuche qui joue, insouciant. Son regard est du bleu de la mer de Hollande, de celui des drapiers des Flandres, de l’orage sur une frégate hollandaise, du ciel azur au-dessus d’un moulin. Il y a tant de larmes qui se cachent dans l’océan de ces yeux d’enfant, on croirait qu’un dieu y a caché toute la misère de ces centaines de familles errant sans but chaque jour. Ses grandes sœurs partagent un semblable destin : grandes et blondes, elles auraient été étudiantes en droit ou en médecine, seraient sorties au bar avec leurs amies, auraient fait du vélo à travers les champs fleuris de Zélande ou sur les canaux d’Amsterdam. Que faisaient-elle ici, avec leurs dents noircies à quatorze ans, si maigres qu’un coup de vent pouvait les emporter ? Leur mère, elle, savait. Ayant tout perdu, elle savait ce qui aurait pu être, et ce que sa famille était aujourd’hui à mes yeux.

Poliment, je leur demandai si elles accepteraient que je les prenne en photo. Elles acceptèrent avec un sourire, sans rien demander, se tenant droit et pas tout à fait à l’aise. Le gamin, lui, sautait et criait telle une grenouille, souriant. Son sourire, pourtant, n’effaçait pas toute sa misère.

« Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps »

Un peu bouleversé, je continue ma route. On entend de la musique dans les chemins. Une autre femme accepte de nous parler et nous invite à nous asseoir sur les quatre chaises qu’elle a installées sur une petite terrasse. Elle nous livre son histoire : arrivée ici il y a huit ans avec sa fille de quatre mois, elle a construit sa maison avec son mari. « Est-ce difficile de vivre à Munsieville ? » lui demandons-nous. Elle hésite brièvement : « Pour être honnête, oui. » Elle nous parle des « blackouts » réguliers, quand l’électricité se coupe et que la famille doit compter sur des batteries pour vivre tant bien que mal durant plusieurs heures.

Elle nous raconte aussi son dégoût de la politique sud-africaine, un sentiment largement partagé dans le camp. « L’ANC ne tient pas ses promesses » est une phrase que nous avons souvent entendue. Pourtant, malgré sa description terrible de la situation, elle refuse catégoriquement de se plaindre. Pour la sécurité, elle se veut rassurante : « Il n’y a pas de vols, je peux laisser des affaires dehors. Nous nous soutenons comme une communauté et nous avons confiance les uns dans les autres. » On est loin de la banlieue française largement subventionnée dans laquelle crimes et délits sont monnaie courante.

La solidarité, ainsi, est une valeur cardinale. Pendant des années, notre interlocutrice nous dit avoir donné à chaque fois qu’elle avait plus que le nécessaire. « Maintenant, j’ai tout juste assez. Si j’avais plein de nourriture, je la donnerais, mais je ne peux pas. Je dois d’abord penser à ma famille ».

« La pauvreté des noirs et des blancs augmente. Avant, il y avait des espaces libres dans le bidonville : ils sont maintenant remplis ». De fait, la communauté de Munsieville vivait ailleurs auparavant, dans la banlieue du Cap. C’est le gouvernement sud-africain qui, dans une volonté de mixité raciale les a forcés à s’installer ici pour se mélanger avec les noirs. Pourtant, pour elle, il n’y a pas de racisme à Munsieville : « Il n’y a pas de races ici. Dieu accepte toutes les races, nous sommes tous les enfants de Dieu ».

Dieu, c’est lui qui fait tenir la famille et la communauté debout. La courageuse femme nous le confirmera : « Le seul que je peux croire en ce monde est Dieu. […] Si nous sommes sur Terre, c’est pour ramener à Dieu ses enfants perdus. Il y a beaucoup de moutons qui se sont égarés, et ma mission est de les ramener à Dieu. » Pourtant, il y aurait de quoi douter : « De tout mon cœur, de toute mon âme, je veux partir d’ici. Mais tant que je suis ici, je ferai Sa volonté ».

Le South African family relief project

Nous nous sommes aussi rendus dans la communauté du South African Family Relief Project. Là-bas vivent paisiblement une trentaine de personnes, blanches, réunies dans une sorte de petit village autour d’une ferme. Là, on n’entre qu’avec l’accord de Lee*, sympathique, mais ferme matrone. C’est elle qui fait la loi, qui décide qui peut être accepté. La vie du Family Relief Project se fait en symbiose : chacun doit y trouver sa place et son utilité.

Au fond, l’on se croirait dans un de ces hameaux médiévaux ; société organique dont le fonctionnement est presque naturel, où l’on se retrouve à chaque repas pour manger ensemble. La solidarité est la valeur première du groupe, et une fois par semaine, au milieu de leur pauvreté, les femmes se retrouvent pour méditer et s’exprimer sur tout ce qu’il y a de positif dans leur vie. Selon le mot de Péguy : « On ne gagnait rien ; on ne dépensait rien ; et tout le monde vivait ». Ouvriers besogneux du quotidien, les habitants du Family Relief Project vivent dans une quasi-autarcie. En fait, qui irait les nourrir, ces rejetons de la société, mis au ban par les BEE Laws ?

Discrimination… positive ?

C’est là que nous rencontrons Leon, ancien travailleur de l’industrie pharmaceutique. « J’ai travaillé dans une multinationale pharmaceutique durant plusieurs années : ce furent les plus belles de ma vie ». Pourtant, en septembre 2021, tout bascule. Il fait un arrêt cardiaque et devient temporairement paralysé à 96 %, en pleine crise du Covid. Il perd alors son travail : « Je suis trop vieux, je suis trop blanc », confesse-t-il sans se départir de son air léger.

Ce qui le reliera à la société du Family Relief Project, c’est d’abord son christianisme. Ici, dans ce pays très chrétien, la religion protestante domine la vie de beaucoup de monde, particulièrement des blancs pauvres qui y voient tant un Salut pour leur vie future qu’une communion, un instrument de paix. « Celui qui s’abaisse sera élevé », pense-t-on en les voyant prier, les yeux fermés.

Une femme nommée Julia* est arrivée il y a tout juste deux mois. « Je vivais dans la rue, dans un bidonville près de Durban et ça ne se passait pas très bien. Avant, je vendais des maisons. J’ai perdu mon job, et il est très difficile de retrouver un travail quand vous êtes blanc en Afrique du Sud. Dans la rue, c’était très dangereux, alors, je me suis rendue ici, au Family Relief Project. » Depuis deux mois, Julia rapprend donc patiemment la vie en communauté après avoir connu l’enfer de la vie sur un coin de trottoir. Très pieuse, comme tous les membres de la communauté, elle prend sa place dans les divers travaux qui rythment le quotidien.

Au fond, ici, la misère a laissé la place à la pauvreté : on n’est pas malheureux au Family Relief Project.

Ayant vu le profond bonheur du blanc pauvre sud-africain, sa joie dans la pauvreté, sa tenace croyance en Dieu et en son espérance dans l’avenir – dans cette vie ou dans l’autre – je ne peux m’empêcher de rester admiratif. Il reste encore du chemin à parcourir, d’autres vies à rencontrer, d’autres destins à croiser et pourtant, je crois que ce que j’ai vu dans les bidonvilles blancs et dans cette communauté demeurera toujours gravé dans ma mémoire. Malgré les neuf mille kilomètres qui séparent ma vie de la leur, pour quelques jours, je me suis senti parmi les miens.

*Les noms de personnes ont été modifiés

Lire la suite de l’enquête : « La Haine du blanc » : « Les Farmers » [2/3] et « La Haine du blanc » : Seuls contre tous [3/3]

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